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Sunday, May 1, 2022

Pologne, père et fils, et le fruit de l'arbre

 

Pologne, père et fils

By Michal Krupa
Special to Consortium News

 Cela fait plus de deux mois que la Russie a envahi l'Ukraine. La Pologne a été au premier rang des pays appelant à des sanctions plus étendues contre Moscou, armant l'Ukraine et accueillant de plus en plus de réfugiés ukrainiens.

Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a mené la charge en Europe contre tout relâchement de la politique de sanctions antirusse de l'UE, accompagné de stratagèmes rhétoriques tels que la comparaison du président russe Vladimir Poutine non seulement à Hitler, mais aussi à Joseph Staline et à Pol Pot.

Dans une bataille de mots avec Emmanuel Macron, Morawiecki a critiqué le président français pour avoir maintenu ouvertes les lignes de communication avec le Kremlin. « Il ne faut pas négocier avec les criminels, il faut les combattre », a déclaré Morawiecki.

Début mars, Morawiecki a révélé son “plan en 10 points pour sauver l'Ukraine”, qui équivaut à peu près à un isolement total de la Russie et à une pression sur la population russe pour qu'elle agisse contre Poutine.

Morawiecki semble avoir clairement fixé son objectif de se débarrasser du dirigeant russe via un mélange de sanctions sévères, d'augmenter les pertes des Russes en Ukraine et de faire clairement comprendre que, du moins en ce qui concerne la politique polonaise, un changement de régime à Moscou est la fin désirée, en tout sauf le nom. Au diable les autres considérations. On pourrait avoir l'impression que Morawiecki agit comme si c'était la Pologne qui était militairement attaquée.

Kornel Morawiecki

Cela pourrait toutefois en surprendre plus d'un que cet empressement à être à l'avant-garde de la guerre par procuration de l'Occident contre la Russie en Ukraine ne soit pas, pour ainsi dire, de famille. Le père du Premier ministre polonais, Kornel Morawiecki, qui a succombé en 2019 à un cancer du pancréas à 78 ans, qui était une légende parmi les opposants anticommunistes de la vieille école, en est le meilleur exemple possible.

Bien qu'il ait été le fondateur de l'un des groupes d'opposition clandestins les plus radicalement anticommunistes de Pologne dans les années 1980, ‘Solidarité combattante’, Kornel Morawiecki a fait preuve à la fin de sa carrière politique, – au cours de laquelle il était député et membre d’honneur  du Sejm polonais, – d’une attitude tout à fait différente vis-à-vis de la position géopolitique de la Pologne et, par extension, de la Russie.

Si l'on devait établir un clivage idéologique simpliste entre le père et le fils, on peut dire que le père était définitivement le réaliste, tandis que le fils était et reste l’idéologue belliciste.

Dans une interview en 2018, Kornel Morawiecki a déclaré qu'il était préoccupé par le manque de relations normales entre les autorités polonaises et le président russe. Se référant à son fils, Morawiecki a déclaré :

« Ce serait bien pour la Pologne, pour nos intérêts, si nos autorités, Monsieur le Premier ministre, invitaient Vladimir Poutine dans notre pays. Cela signifierait un progrès dans les relations entre les deux pays. »

Il a ensuite posé une question que beaucoup d'entre nous, qui ne veulent pas voir la Pologne entraînée dans une guerre, se posent aujourd'hui :

« Pourquoi le président des États-Unis et la chancelière allemande entretiennent-ils des relations directes avec Poutine, alors que le président polonais, le Premier ministre polonais, évite ces relations avec Poutine ou n'essaie pas de les établir ? Je ne vois aucun geste des autorités polonaises. Cela me met très mal à l'aise. »

Nul doute que Morawiecki-père serait affreusement mal à l'aise aujourd'hui, considérant que depuis son élection en 2015 le président polonais Andrzej Duda n'a eu aucun contact direct avec Vladimir Poutine à titre officiel.

Lorsqu'en 2019, Duda a proposé au président américain de l'époque, Donald Trump, la construction d'une base militaire américaine permanente en Pologne, qui, pour des besoins évidents de relations publiques à ce moment-là, a été qualifiée par le chef de l'État polonais de "Fort Trump", Morawiecki-père a observé qu'il ne voyait pas la nécessité de construire des bases de l'OTAN en Pologne, car « c'est comme nous préparer à la guerre ».

Morawiecki-père a poursuivi avec ce commentaire :

« Nous devons essayer d'améliorer nos relations avec la Russie, nous devons essayer d'imprégner tout le système de la politique orientale d'un contenu positif, nous ne devons pas chercher ici une querelle. Il n'est pas dans notre intérêt d'aller dans une direction qui exacerbera la situation polono-russe. Ce n'est pas dans l'intérêt de la Russie, ni dans notre intérêt. »

Des mots forts d'une icône de la résistance polonaise à la domination soviétique.

Mais ce n'étaient que les salves d'ouverture. Dans cette même interview, Morawiecki-père a accusé le gouvernement que son fils présidait, ainsi que les médias et les élites, de « dresser les Polonais contre les Russes ».

Il croyait clairement qu'il était dans l'intérêt vital de la Pologne de rechercher un rapprochement avec Moscou. Parlant de l'attitude de son fils et du chef du parti au pouvoir Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski, envers la Russie, Kornel Morawiecki a déclaré catégoriquement que « Mateusz a tort et Jarek a tort ».

Critique grand public

Bien sûr, de tels propos n'ont pas pu échapper aux critiques du courant dominant polonais, à la fois libéral et conservateur, qui considérait la position de Kornel Morawiecki, selon les mots d'un commentateur, comme une forme du « plus bizarre des fantasmes ».

Il a répondu en précisant qu'il n'était guidé que par ce qu'il pensait être dans le meilleur intérêt de la Pologne, et être désigné comme un pion de Moscou dans les machinations géopolitiques de Washington l’a fortement indisposé :

« On dit aussi de moi que je suis un agent d'influence russe. Le fait que quelqu'un remette en question la sagesse de la présence militaire américaine en Pologne ne signifie pas qu'il est un agent de l’étranger. »

Pour beaucoup, malheureusement, le sentiment que seules les troupes polonaises devraient être stationnées sur le sol polonais était une affirmation inacceptable, pour des raisons allant du psychologique à la pure idéologie.

Dans l'une de ses dernières interviews en 2019, Morawiecki-père affirma :

« Je veux que nous soyons indépendants. Nous nous sommes battus pour l'indépendance, pour une République solidaire et nous voulons une telle Pologne. Nous devons avoir de bonnes relations diplomatiques, économiques et culturelles avec les Russes. C'est une nation proche de nous. Notre sort polonais et le sort de l'Europe en dépendent. »

La guerre change les perspectives, évidemment. On ne peut pas dire avec certitude que s'il était en vie aujourd'hui, Kornel Morawiecki serait aussi fortement que son fils contre l'invasion russe de l'Ukraine.

Néanmoins, à moins d'une confrontation nucléaire entre les superpuissances, la Russie restera le plus grand voisin de la Pologne et les perspectives de renversement de Vladimir Poutine à tout moment semblent au mieux ténues. Quelles qu'aient pu être ses réflexions sur la guerre, et contrairement à son fils qui évite toute idée de désescalade, Kornel Morawiecki adopterait très certainement le conseil de feu le président américain John F. Kennedy : « Ne négocions jamais sous l’empire de la peur. Mais n’ayons jamais peur de négocier. »

Le philosophe politique polonais Bronislaw Lagowski a un jour noté que lorsque Napoléon Bonaparte s'est rendu en Pologne, Talleyrand lui a conseillé ce qu'il fallait dire à Varsovie pour plaire aux Polonais : « Parlez le plus mal possible de la Russie et louez l’héroïsme polonais. »

Cela semble être le modus operandi de l'Occident, – des États-Unis en particulier, – lorsqu'il s'agit de soutenir politiquement Varsovie pour son utilité dans n'importe quel type de guerre, froide ou par procuration, dans laquelle l'Occident et la Russie se trouvent engagés.

Kornel Morawiecki, l'une des rares voix publiques dissidentes sur cette question cruciale et en fait existentielle pour la Pologne, le savait bien. Quelles qu’auraient pu être ses réflexions sur la guerre actuelle, il résumait succinctement le sentiment actuel de nombreux Polonais :

 « Notre politique étrangère en est malheureusement réduite à jouer le rôle de la marionnette de Washington. »

Malheureusement, dans ce cas on ne reconnaît pas le fruit de l’arbre.

Michal Krupa

 

Article original sur Consortium News

UKRAINE: The Realist Father of Poland’s Hawkish PM



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